Auteur : Célestine Delbart
La révolution doublement verte [1,2] repose essentiellement sur l’intensification de l’écosystème afin de produire plus sans détruire davantage le sol et l’écosystème environnant. Dans ce sens la relation plante/écosystème est un pilier de la révolution doublement verte. Pour ce faire, il est cependant nécessaire de connaître les écosystèmes et d’adapter les systèmes de production aux conditions écologiques des diverses régions de culture et d’élevage : adaptation aux sols, aux microclimats, aux prédateurs, aux insectes, aux mauvaises herbes.
Un pilier important de cette révolution est le fait de ne jamais laisser un sol nu, cette méthode consistant à associer simultanément et successivement plusieurs espèces et variétés dans un même champ (figures). La fertilité écologique d’un sol est liée à la décomposition de la biomasse ; si celle-ci est enlevée ou minimisée, la fertilité du sol ne sera pas à son optimum. De plus, l’association de différentes plantes et la rotation des cultures limitent la propagation des agents pathogènes et des insectes prédateurs et contribuent ainsi à minimiser les risques de rendement plus faible.
- Couverture de Crotalaire dans le maïs : ceci améliore le sol et élimine les autres mauvaises herbes
- Mélange Vesce - Lupin - Avoine
Actuellement, les mauvaises herbes (plantes non désirées dans la production) sont supprimées des champs. Mais il semblerait que celles-ci possèdent de nombreux avantages. Dans un premier temps, les mauvaises herbes participent à la diversité floristique du site, améliorent la structure du sol par leurs racines et font remonter les éléments nutritifs du sous-sol pour les plantes voisines. De plus, les plantes naturellement présentes permettent de choisir intelligemment les cultures à semer : en effet elles renseignent sur la nature du sol. Enfin, ces plantes sont utilisées comme engrais verts, tel le mouron : enterrées avant la formation des graines, les adventices amendent le sol. Certaines mauvaises herbes entrent efficacement dans les composts en apportant du fer, du calcium, du sodium et de l’azote.
Le second point important de cette technique agricole est de choisir de façon intelligente les espèces cultivées en fonction de l’écosystème mais également des périodes de semis. Ainsi, d’un point de vue technique, les solutions prioritaires doivent associer les cultures combinant diverses espèces et variétés, complémentaires dans l’espace et dans le temps, de façon notamment à :
- intercepter au mieux le spectre lumineux et transformer ainsi le maximum d’énergie lumineuse en calories alimentaires par la voie de la photosynthèse,
- favoriser l’exploration maximale des sols par les racines et les transferts verticaux de minéraux vers la surface, via la production de biomasse aérienne, la chute des feuilles et leur décomposition dans la couche arable.
De plus, des variétés résistantes, survivant en conditions aléatoires, permettent de limiter les risques de très mauvaises récoltes, ce qui est crucial pour les paysans précaires. Exemple : le riz pluvial Nerica en Afrique de l’Ouest., issue d’une hybridation classique (sans modification génétique) entre des espèces de riz africaine et asiatique. Cette variété de riz, riche en protéines, résiste bien aux sécheresses. Autre exemple : la culture dans leurs rizières d’algues aquatiques qui favorisent des cyanobactéries contribuant à la fertilisation azotée des sols.
- Attaque de coccinelles contre des pucerons
Un autre point de la technique de l’intensification écologique consiste à favoriser le développement d’espèces animales, insectes ou plantes qui protègent les champs. En effet, le meilleur insecticide biologique est naturellement un autre insecte. La coccinelle est un insecte carnivore qui dévore énormément de pucerons (figure). La mante religieuse, elle, chasse tout insecte qu’elle peut attraper. La combinaison de l’élevage et de la culture est utilisée par exemple dans les cultures de riz, où l’élevage de canards peut être un moyen efficace de lutter contre les insectes prédateurs.
Afin de produire suffisamment pour nourrir la planète, des nutriments doivent être présents dans le sol. L’association de l’agriculture et l’élevage, à l’échelle locale (1 ou plusieurs exploitations) permet de valoriser les résidus de culture dans l’alimentation des troupeaux et à d’utiliser les déjections animales pour la fabrication de fumier.
La complémentarité entre la plante et son écosystème nous renseigne sur les cultures à semer, permet de protéger les cultures de certaines maladies, d’invasions d’insectes ou de prédateurs ravageurs. L’agriculteur doit prendre en compte les écosystèmes et la technologie doit s’adapter à l’hétérogénéité du milieu, en tenant compte des conditions locales écologiques. Ceci demande donc un travail de longue haleine et une étude complète de l’écosystème.
Références
[1] Conway, G (1997) The doubly green revolution, London, Penguin Books
[2] Griffon, M., 2006. Nourrir la planète, Odile Jacob.
[3] Marc Dufumier, « Quelles recherches agricoles pour le développement durable des pays du Tiers-Monde ? »
[4] Usinenouvelle.com, « Pour une agriculture écologiquement intensive », 26 février 2010