Auteur : Sixtine Passot
Souvent considérée comme un matériau inerte, simple support des engrais et de l’eau, la terre est en fait le siège d’une activité écologique intense qui peut être bénéfique pour les plantes cultivées, pour peu que l’on utilise et oriente ses propriétés de façon adaptée. L’agriculture écologiquement intensive cherche à suivre ce principe.
Structure et aération du sol
L’aération du sol est indispensable à la bonne croissance des plantes. En effet, les petites racines s’enfoncent plus facilement dans un sol meuble, l’eau, les nutriments et l’air peuvent circuler dans les cavités pour alimenter la plante. Cette aération est généralement assurée par le labour dans l’agriculture actuelle. Cependant, de nombreux vers de terre vivent dans les sols à l’état naturel et suffisent à lui donner l’aération nécessaire à la vie des plantes. Ces animaux sont presque inexistants dans les sols régulièrement labourés. L’arrêt du labour et le choix d’une utilisation plus naturelle du sol permettent un retour des vers de terre dans le sol. Ceux-ci effectuent alors leur travail d’aération et de structuration du sol, ce qui rend le labour inutile. Au bout de quelques années seulement après l’arrêt du labour, l’aération est comparable à celle obtenue par le labour, simplement grâce au travail de la nature ! De plus, la présence de nombreuses plantes à la surface du sol contribue à structurer le sol et à lui donner un aspect granuleux, aéré mais cohérent, très favorable au développement des plantes. Lorsque ces plantes meurent, elles produisent en outre une couche de matière organique en décomposition qui oppose peu de résistance à l’entrée des racines. Une bonne structure du sol peut ainsi être générée par un arrêt du labour, associé à un couvert végétal permanent.
Apports en eau
L’eau est indispensable à la bonne croissance des plantes. Elle peut être apportée par la pluie ou bien par l’irrigation des hommes. Selon la nature du sol, elle peut-être retenue ou au contraire ruisseler. Les besoins en eau dépendent du type de plante cultivée ainsi que de la période de l’année. Les paramètres à prendre en compte pour une bonne gestion de l’eau sont donc nombreux. Il faut tout d’abord adapter le type de plante à la région de culture. On cultivera de préférence les plantes nécessitant beaucoup d’eau, comme le maïs, dans les endroits où l’eau est abondante et sur un sol qui stocke bien l’eau. Ensuite, s’il y a besoin d’apporter de l’eau supplémentaire au sol, il vaut mieux privilégier l’irrigation le soir, afin d’éviter les pertes d’eau par évaporation. Le mode même d’irrigation a son importance. En effet, l’arrosage par des jets d’eau dépose une grande partie de l’eau sur les feuilles, qui s’évapore ensuite, en particulier dans les champs de maïs. Ce système est simple mais conduit donc à des pertes importantes. Notons au passage que certaines parties du champs sont alors bien plus arrosées que d’autres. On peut penser que certaines parties reçoivent trop d’eau, et d’autres pas assez, ce qui nuit aux rendements.
En revanche, on pourrait imaginer des systèmes d’arrosage goutte à goutte déposant l’eau directement sur le sol, ce qui limite les pertes et homogénéise la quantité d’eau délivrée. Enfin, la structure du sol a son importance dans sa capacité à retenir l’eau. Sur un sol nu et à la terre compacte, les gouttes d’eau rebondissent et ne s’infiltrent pas car il y a peu de cavités disponibles et peu de voies d’accès aux couches inférieures du sol. En revanche, sur un sol recouvert de végétation et aéré par les vers de terre, l’eau s’infiltre dans la terre, le long des racines par exemple, et peut rester dans les cavités creusées et les espaces laissés par la décomposition des plantes.
Erosion et ruissellement
Si l’eau n’est pas retenue par le sol, elle ruisselle et sort du champ. En plus de rendre l’irrigation nécessaire, l’eau qui ruisselle emporte généralement des minéraux et de la matière organique. La terre s’appauvrit en minéraux et s’érode donc peu à peu. Pour éviter ce problème, une solution consiste à ne jamais laisser la terre à nu et à maintenir un couvert végétal permanent. En effet, les racines stabilisent le sol et freinent ainsi l’érosion. De plus, la rétention de l’eau dans un sol aéré par des plantes et une faune active évite à l’eau de s’écouler.
Nutriments
Les plantes ont besoin d’apports en azote et en phosphore pour grandir et se développer. Ces besoins sont traditionnellement remplis par des engrais de synthèse. Leur production est coûteuse en énergie et émettrice de gaz à effet de serre, ils sont souvent chers et ils peuvent contaminer les rivières et les nappes phréatiques si leur quantité est trop importante. Il existe pourtant des plantes, les légumineuses, qui fixent elles-mêmes l’azote de l’atmosphère grâce à une symbiose avec des bactéries. Le fait de cultiver des légumineuses puis de les faucher et de les laisser se décomposer à même le sol enrichit la terre en azote fixé par ces plantes. Cette solution est plus économique que d’épandre des engrais systématiquement, plus naturelle, et elle permet de satisfaire à l’exigence du couvert végétal permanent. Si des apports en nutriments supplémentaires sont nécessaires, l’épandage d’excréments d’animaux, riches en matières azotées, mais aussi de compost à base d’algues permettent de s’affranchir des engrais industriels. Il faut toutefois les doser avec parcimonie, les épandre au bon moment et ne pas arroser après, pour éviter que l’eau n’emporte les nitrates hors de la terre. Des contrôles réguliers de la composition du sol permettent d’ajuster au mieux la quantité d’engrais nécessaire.
De nombreuses solutions permettent de contourner les problèmes générés par les méthodes actuelles de travail de la terre tout en préservant les rendements. En laissant au sol une activité biologique, en le cultivant de façon naturelle, en laissant un couvert végétal permanent, on s’affranchit de certaines opérations coûteuses, énergivores (épandage fréquent d’engrais, labour) et qui dénaturent le sol. Finalement, de nombreuses techniques de l’agriculture écologiquement intensive sont empruntées à l’agriculture traditionnelle. Le défi actuel est de réutiliser ces méthodes de façon intelligente et contrôlée, afin de remplacer une partie du travail humain par l’activité biologique de la terre elle-même.
Références