Décontamination ou abandon du milieu : résilience écologique ou sociale ?
L’exemple de Fukushima montre que la seule façon de véritablement permettre le retour des populations sur la zone est de gratter la terre sur plusieurs centimètres. Cela a un impact écologique important, et encore plus dans les zones marécageuses ou de l’estuaire, où il est impossible de le faire sans totalement détruire le milieu. On a donc un véritable conflit ici : pour permettre la résilience sociale du milieu, il est nécessaire de décontaminer la zone, ce qui détruit le milieu. Réciproquement, le seul moyen de permettre la résilience écologique est de renoncer à tout retour sur la zone. Un choix politique est véritablement nécessaire ici.
Une économie à réorganiser
Le retour des populations n’est possible que s’il y a des possibilités d’emploi dans la zone. Il sera donc nécessaire de restaurer une activité économique dans la zone. Les activités viticoles et touristiques doivent être remplacées par autre chose. Ici, deux choix possibles sont orienter le tourisme vers un tourisme « de la catastrophe », ou intensifier l’activité industrielle.
Une volonté politique est nécessaire derrière tout cela, particulièrement pour l’attribution des aides. De plus, il faut qu’une réelle activité puisse se développer. Une économie fragilisée ne se maintenant que grâce à des aides est très fragile, et ne peut pas se maintenir à long terme. Il n’y aurait donc pas résilience dans ce cas là.
Résilience individuelle, résilience du territoire : un choix politique devant impliquer la population
De façon simpliste, deux approches sont possibles : revenir sur les terres après les avoir décontaminées, ou bien les abandonner. L’exemple de Tchernobyl et Fukushima nous montre quelque chose d’important vis à vis de l’approche à adopter.
- A Tchernobyl (dans des zones assez éloignées de l’accident quand même), certaines populations devaient évacuer mais ceci n’a finalement pas été fait aussitôt faute de budget pour les reloger. Au bout de quelques années, les populations ne voulaient finalement plus évacuer [3] .
- A Fukushima au contraire, les populations ont évacué. Au bout de quelques années, elles ont commencé à prendre conscience qu’elles ne retrouveraient jamais leur lieu de vie tel qu’il était avant, et ont moins eu envie de revenir [4] .
Ces deux exemples illustrent quelque chose d’important : pour se reconstruire, les personnes ont besoin de savoir où elles vont le faire. Elles ne peuvent pas mettre cela entre parenthèses pendant plusieurs années sans savoir quoi faire. Les territoires doivent donc être restaurés très vite, sinon les populations n’y reviendront pas avant très longtemps (à part quelques personnes isolées qui voudront y revenir). Or, actuellement, la décontamination demande de longues années.
Dans le cas des catastrophes nucléaire, la résilience des territoires ne peut se faire qu’à long terme, alors que la résilience des individus doit se faire sur des échelles de temps plus courtes. Les budgets étant limités, il y a un réel choix politique à faire pour savoir où affecter l’argent. Les populations concernées doivent bien évidemment être d’accord avec les choix effectués.
Préparer la résilience : nécessité de politiques en amont
Quelle que soit l’orientation désirée pour la résilience, il est nécessaire que tout soit préparé en amont. Particulièrement, il est indispensable que des plans d’évacuation et des projets post-catastrophe soient au moins un petit peu pensés. En effet, si l’évacuation se passe mal, si les autorités apparaissent comme dépassées par les événements, voire ne savent pas exactement ce qui se passe, les populations vont perdre confiance en les autorités et leurs discours. C’est ce qui s’est passé à Fukushima, et cela s’est révélé être un obstacle à toutes les politiques de résilience. On peut en effet constater que les populations ont opposé un refus quasi systématique, au moins au premier abord, à tous les projets de reconstruction proposés par le gouvernement, car ce dernier n’était pas considéré comme digne de confiance. Il est donc nécessaire de préparer des mesures d’urgence afin de pouvoir jouer son rôle d’autorités. Si cela ne se fait pas, seule la résilience individuelle pourra potentiellement être possible.
[3] « Conditions de vie dans les territoires contaminés en Biélorussie 8 ans après l’accident de Tchernobyl » G. Hériart-Dubreuil et P. Girard, Radioprotection 1997
[4] « Tremblement de terre, tsunami et accident nucléaire de la centrale de Fukushima : état des lieux des conséquences et des actions engagées trois ans après » Fleur Gorre, 2014