Auteur : Sébastien Valverde
Au centre de la mise en place de la révolution doublement verte se trouvent l’agriculteur et les actions qu’il peut entreprendre sur son exploitation pour augmenter ses rendements agricoles tout en conservant l’écosystème. Il s’agit de rationaliser la pression que le producteur exerce sur ses terres en vue de maintenir les capacités productives. Par exemple, par le travail de l’homme, un apport de matière organique morte, tels que les résidus végétaux ou animaux, alimenterait la fertilité des sols et serait à nouveau résorbé par la plante et utilisé pour la constitution d’une nouvelle biomasse, constituant ainsi un flux artificiel utile.
D’autre part, le travail de désherbage par l’exploitant est une opération où de nombreux paramètres interviennent et qui nécessite un raisonnement complexe afin d’adopter une stratégie qui prenne en compte les contraintes environnementales et économiques. Des solutions multiples peuvent être adaptées à la situation individuelle de chaque parcelle (type de sol, type de technique culturale, place de la parcelle dans l’environnement…), permettant d’extérioriser au mieux la production en limitant à un niveau acceptable la concurrence des mauvaises herbes. Or ce travail de réflexion suppose une connaissance de l’agro-écosystème, une surveillance de son état, une maîtrise des techniques et des disponibilités en engrais et en pesticides, ainsi que des disponibilités en temps. Par exemple, un des facteurs dont il faut tenir compte est le seuil au dessous duquel le manque à gagner en terme de production est inférieur au coût du désherbage.
L’agriculture raisonnée passe aussi par la lutte biologique, qui est un moyen de lutter contre les ravageurs et les espèces indésirables tout en minimisant l’utilisation des produits actifs toxiques pour l’environnement. Il s’agit pour l’exploitant de construire un écosystème favorable et durable, autant pour les produits issus de ses terres, que ses terres elles-mêmes.
Or, de telles techniques d’agriculture présupposent de créer chez l’homme une meilleure compréhension des mécanismes du vivant à ses différentes échelles. Par exemple, dans le cadre de la mise en place de la lutte biologique, il faut connaître les relations entre les plantes, les ravageurs et leurs parasites et prédateurs, autant qu’il faut savoir reconnaître les symptômes des maladies et d’attaques de ceux-ci, et ces connaissances doivent être adaptées à chaque situation, à chaque type de culture et à chaque environnement. Pour cela, les producteurs ont besoin de formateurs et de conseillers, qui eux doivent être issues d’une nouvelle dynamique des progrès des connaissances. La place de la recherche dans l’avènement d’une révolution doublement verte devient donc critique.
Ceci revient à dire que ce sont les institutions scolaires et les organismes de recherche qui devront prendre en charge le développement des connaissances et la formation des comportements d’exploitation raisonnée basés sur la compréhension des intérêts à long terme et la compréhension de l’intérêt collectif.
Ainsi, progressivement, une nouvelle génération d’agriculteurs sensibilisés à des pratiques plus respectueuses de l’environnement verrait le jour et favoriserait une reconquête sociale de l’espace rurale dû à une diversification des activités agricoles, apportant un nouvel équilibre à notre société devenue urbaine.
Ces solutions, doublées des solutions technologiques permettant d’accroître les rendements en limitant les atteintes à l’environnement, et celles politiques facilitant l’accès des ressources aux catégories pauvres, permettraient à l’agriculture de rester viable et de répondre aux besoins de l’humanité en 2050.