Le 26 décembre 2004, le séisme de Sumatra de magnitude 9.0 provoque un tsunami qui a tué 233 689 personnes en Indonésie. La province d’Aceh, au niveau de la zone de subduction, est souvent touchée par des séismes et tsunamis ; c’est la région la plus touchée par ce tsunami (Figure 1).
Les victimes ne sont pas réparties de façon homogène dans la cette province. Dans trois lieux, les réactions d’habitants face au danger ont été analysées. Ces lieux sont Kajhu (au Nord) et Johan Pahlawan (au centre), pour lesquels on compte un total d’environ 170 000 morts ; et Air Pinang sur l’île de Simeulue, pour laquelle on ne compte que 44 victimes. L’île de Simeulue est habitée par des personnes vivant sur les lieux depuis plusieurs générations. En revanche, les deux autres régions sont majoritairement peuplées par des personnes qui se sont installées récemment, il y a moins de 10 ans. Dans le premier cas la communication intergénérationnelle est donc naturelle car traditionnelle, alors que dans les deux autres, les individus n’ont pas accès au savoir ancestral.
Figure 1 : Carte de la région de Aceh
Plusieurs questions, sur la manière dont les habitants ont repéré l’arrivée du tsunami, et comment ils ont réagi face au danger, montrent des réactions distinctes selon le lieu de vie des individus. La majorité des habitants de l’île de Simeulue (Air Pinang) ont vu les signes annonciateurs naturels du tsunami, et 85,3% se réfugier sur la montagne en hauteur. Ce qui n’est pas le chez les populations installées récemment à Kajhu et J. Pahlawan (3). A J. Pahlawan la majorité des gens (63,1%) ont repéré l’arrivée du séisme grâce à la panique des gens alentours ou en voyant les autres individus courir, puis les individus se sont réfugiés dans les mosquées ou sur des arbres (3). Ces derniers sont des lieux inadaptés, puisque ce ne sont pas des abris en hauteur ou suffisamment solides pour encaisser les chocs provoqué par la vague. L’exemple le plus marquant montrant le manque d’avertissement de ce genre d’évènement est le suivant : 8.8% des individus interrogés à Kajhu se dirigent vers les rizières (3). Ce reflex est mortel car les rizières sont des lieux fortement inondables et donc extrêmement vulnérables face à un tsunami.
Ces séries de réponses montrent l’importance de la transmission du savoir (tradition ou éducation), qui peut permettre une réaction plus adaptée aux situations dangereuses. La mémoire des catastrophes est un facteur culturel influençant la réaction des individus face au danger, et donc un facteur intervenant dans la résilience post-catastrophe.
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(3) Gaillard, J. C., Clavé, E., Vibert, O., Denain, J. C., Efendi, Y., Grancher, D., ... & Setiawan, R. (2008). Ethnic groups’ response to the 26 December 2004 earthquake and tsunami in Aceh, Indonesia. Natural Hazards, 47(1), 17-38.
(4) C. Labeur, ‘Raconter l’inondation quand les récits de la catastrophe se font mémoire du risque’, Géocarrefour 88 n°4.