Il s’agit de répondre à une première question avant de s’intéresser à la résilience en elle-même : à partir de quand passe-t-on d’une tragédie personnelle à une catastrophe de groupe ? Cette question fournit un problème d’échelle. Qui définit la catastrophe ? Le mot implique un jugement moral et un niveau subjectif. Quand les médias parlent-ils d’une catastrophe ? Quand un accident de voiture se produit, l’événement est rarement décrit comme une catastrophe, bien que les passagers de la voiture puissent être morts. Cependant, quand il y a un accident avec un car scolaire, on parle d’une catastrophe.
Le concept de résilience nous aide à comprendre pourquoi une personne réagit avec des symptômes psychologiques (un traumatisme) à un événement, alors que ce n’est pas le cas pour un autre. C’est ainsi l’occasion de déterminer ce qu’est la résilience pour une personne. Pour la résilience face à une catastrophe, cela peut être survivre ou se rétablir. Mais dans le cadre plus restreint de la psychologie, on parle de résilience pour “a dynamic process wherein individuals display positive response despite experiences of significant adversity or trauma” (Luthar & Cicchetti, 2000, p. 858) ou la capacité de “bounce back” in spite of significant stress or adversity” (Dyer & Minton McGuinness, p.276).
Transposer cette notion de l’individu au collectif nécessite de se demander si la résilience du groupe est la somme de celle des individus. On voit bien que la résilience d’une société peut s’accommoder de pertes que l’individu ne peut tolérer. Ainsi, une société frappé par une catastrophe naturelle pourra être qualifiée de résiliente alors même qu’elle a enregistré de lourdes pertes humaines. On dira qu’elle est résiliente parce qu’elle aura rapidement réussi à retrouver un état équivalent à celui pré-catastrophe, mais sa composition humaine en est cependant modifiée. La construction d’une société s’accompagne aussi de l’établissement de relations complexes entre individus et d’aménagements qui dépasse le simple individu. Si pris individuellement, les individus semblent particulièrement résilients, la société suppose un jeu d’interactions sophistiqués qui peuvent être fragiles.
Cependant, la situation miroir est tout autant envisageable. L’établissement en société d’individus a priori peu résilients peut faire émerger une propriété de résilience de ce système complexe qui n’est alors pas seulement une somme d’individus plus ou moins résilients. La résilience du groupe est-elle la somme des résiliences des individus ?
On voit donc bien toutes les difficultés de la transposition d’une notion initialement destinée à mieux comprendre l’individu à toute une société. Cependant, elle permet d’aborder ce système complexe qu’est la société et d’en étudier les propriétés que ne présentaient pas ses composantes, les individus, prises isolément.
Dyer, J. G., & McGuinness, T. M. (1996). Resilience : Analysis of the concept. Archives of psychiatric nursing, 10(5), 276-282.
Luthar, S. S., Cicchetti, D., & Becker, B. (2000). The construct of resilience : A critical evaluation and guidelines for future work. Child development, 71(3), 543.