Dégradation des écosystèmes

Déclin de la biodiversité


Auteurs : Anne-Sophie Bonnet-Lebrun, Anouch Missirian

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1. Sélection des races et des variétés

Au XIXe siècle, afin de fournir au consommateur des produits à moindre prix, les processus de production ont été standardisés, y compris dans le secteur agricole. Les mêmes semences doivent pouvoir être plantées sur n’importe quel sol (on artificialise donc le substrat en fonction des plantes qu’on veut y faire pousser et non l’inverse) et l’on sélectionne des races (de bovins notamment, comme la vache laitière prim’Holstein) en fonction de leur rendement quantitatif : on recherche l’amélioration :

  • de l’efficience énergétique des plantes (elles doivent pouvoir capter l’énergie solaire et la transformer en sucres (amidon, saccharose, glucose, etc.), protéines et lipides de manière optimale,
  • de la productivité en lait et viande des races animales (la prim’Holstein produit un lait abondant mais très aqueux, peu riche en protéines et en matières grasses) et de leur adaptation à la mécanisation (forme de la carcasse et des pis).

La diminution du prix des denrées a bien eu lieu, mais au détriment de la diversité des espèces et de la diversité intra-spécifique (puisqu’il y a eu uniformisation). Or la diversité des races et des variétés permet(ait) :

  • leur adéquation au terroir (et ne nécessitait donc pas l’artificialisation (voir partie 2 en bas) de l’environnement agricole ni les coûts récurrents associés : intrants, produits phytosanitaires, machines)
  • de diminuer la vulnérabilité aux maladies et aux variations climatiques, de s’adapter à des besoins nouveaux : "la biodiversité peut être vue comme une assurance-vie pour l’humanité : grâce à son maintien on va pouvoir également maintenir des capacités d’adaptation à des conditions nouvelles qu’on ne peut pas forcément anticiper et qui risquent pourtant d’arriver prochainement" (Philippe Feldmann – CIRAD)
  • de sélectionner les variétés et les races en fonction de leurs qualités gustatives, pour répondre à la demande de qualité, de diversité et de goût des consommateurs (en témoigne Ces fromages qu’on assassine, DVD de Joël Santoni et Jean-Charles Deniau avec Perico LEGASSE et Erik Svensson).

En dépit de cela, la sélection génétique, qui avant incombait aux agriculteurs, est maintenant confiée aux semenciers, et leur recherche de l’optimum universel (ie. cultivable dans tout environnement) tend à réduire la biodiversité des espèces cultivées.

Interview de Marc Dufumier : "Les agriculteurs ont perdu leurs repères", Télérama n°3144.

2. Standardisation des paysages agricoles

L’agriculture intensive, en utilisant désherbants et pesticides, cherche à éliminer ce qu’elle considère comme inutile, voire néfaste : "mauvaises herbes", nuisibles, parasites. En éliminant ces espèces pour favoriser celles qu’elle cherche à faire pousser, elle a un impact, direct ou indirect, sur la biodiversité.

De manière directe, les pesticides diminuent évidemment la diversité des insectes, et les désherbants la diversité végétale. Mais l’agriculture joue aussi de manière indirecte sur les espèces, par les pratiques qu’elle utilise : labours, destruction des haies... Ainsi, l’utilisation de désherbants dans les vignes entraine la raréfaction et même la disparition d’espèces de vers de terre. Une expertise de l’INRA a montré qu’en diminuant la quantité de désherbant, on pouvait multiplier par deux la quantité de vers de terre présents, et même entrainer la réapparition d’une espèce de vers. Ceci se ferait même au bénéfice de l’agriculture, car les vers permettent d’aérer la terre et ainsi de la rendre plus fertile.

Un autre exemple bien connu de destruction d’écosystème est l’exemple des haies. En effet, les haies, mises en places par l’homme au XVIIe siècle pour délimiter les parcelles, servir de clôture au bétail, fournir du bois et des fruits, ont commencé à disparaître avec l’arrivée de la mécanisation, afin de faciliter le passage des machines dans les champs. Mais les haies ne font pas que délimiter les parcelles. En effet, elles créent des microclimats en maintenant une humidité localement importante à la fois dans le sol et dans l’air, réduisent l’érosion éolienne, fixent les sols durablement (limitant ainsi les glissements de terrain) et agissent sur la qualité de l’eau par l’épuration des nitrates.Enfin, elles voient en leur sein la cohabitation de diverses populations animales provenant de différents milieux (forêts, friches, cultures, prairies). En effet, les arbustes à baies et les quelques arbres qui les constituent sont à l’origine de diverses chaînes alimentaires. La floraison échelonnée des plantes qui les composent attire les insectes butineurs, ce qui attire ensuite des invertébrés se nourrissant des feuilles, des tiges ou encore des précédents insectes. Ceux-ci sont ensuite consommés par des animaux insectivores qui profitent aussi du couvert végétal pour faire leur nid. Après floraison, la fructification attire des animaux granivores et fructivores, eux-mêmes consommés par des prédateurs.

On retrouve parmi ces espèces de nombreuses espèces d’oiseaux, mais aussi des mammifères, notamment des micromammifères tels que la musaraigne (se nourrissant d’insectes, de vers, de mollusques présents dans les haies).

Mais les remembrements successifs ont mené à l’élimination des haies, des bois et des vergers, afin d’obtenir de grands champs ouverts sièges d’une monoculture céréalière. Les traitements chimiques, le manque de lisières, l’absence de buissons ont entrainé la raréfaction voire la disparition de certaines espèces. Les oiseaux sont parmi les plus touchés et on peut citer à titre d’exemple le râle des genêts en déclin de 50% depuis 1998 et l’outarde canepetière, en déclin de 25% depuis 2000.

L’agriculture, par la main de l’homme, détruit une partie de la biodiversité. Il faut cependant noter que la conséquence n’a pas nécessairement été une diminution du nombre d’espèces. En effet, l’ouverture des milieux et la création d’hétérogénéité a pu favoriser l’augmentation du nombre d’espèces dans le paysage. Il n’en reste pas moins qu’en modifiant les écosystèmes, l’homme a perturbé l’équilibre qui y régnait sans en mesurer les conséquences.

Liens :
L’agriculture, première cause de déclin de la biodiversité
Agriculture t biodiversité : expertise de l’INRA

3. Rôle de l’industrie agro-alimentaire dans la pollution et les changements globaux

L’industrie agro-alimentaire, au même titre que les autres industries, a un impact sur la biodiversité : les polluants qu’elle émet, les émissions de CO2 qu’elle induit, la transformation des espaces qu’elle occupe sont autant de perturbations de l’environnement qui nuisent à la biodiversité en général.

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