Enjeux de l’information dans le processus de résilience

Comment communiquer une information sensible ?


Après toute catastrophe, les individus cherchent activement de l’information. Les blessés peuvent avoir besoin d’appeler à l’aide, et les survivants doivent pouvoir savoir s’ils sont en danger, afin de pouvoir agir. Lorsque l’information circule d’une personne à une autre, on parle de communication point-to-point, là où la communication d’une personne à plusieurs autres est qualifiée de point to multipoint (9). La communication point-to-point est particulièrement pertinente dans le cas de la communication de l’information sensible. Après des catastrophes naturelles comme le séisme d’Avril 2015 au Népal, les individus ont besoin de contacter rapidement leurs proches qui ne se trouvent pas aux alentours, pour savoir s’ils ont survécu ou s’ils ont besoin d’aide. Surtout, les proches peuvent apparaître dans les situations d’urgence comme des sources fiables d’information, parfois plus que les institutions. Les réseaux sociaux ont un rôle à jouer dans la communication d’urgence, tant point-to-point que point-to-multipoint. Ils sont très utiles dans le cas de la recherche des disparus. Le réseau social Facebook a ainsi développé une application (Safety Check) qui permet aux individus de signaler à leurs proches qu’ils sont en sécurité ou du moins en vie. Cette application a été lancée après que le groupe a constaté que les victimes du séisme et tsunami au Japon en 2011 utilisaient les réseaux sociaux pour signaler qu’ils étaient en vie. Cette application a été mise en place lors de la catastrophe au Népal ou encore lors de l’Ouragan Patricia en Octobre 2015. En France, l’Etat a développé les « #MSGU » (10), ou pratique des Médias Sociaux en Gestion d’Urgence. Il s’agit d’instaurer une collaboration entre l’Etat et des internautes pour diffuser l’information officielle fiable sur la crise, en évitant les rumeurs, et faire remonter de l’information de terrain, à travers des outils comme Twitter, la photographie géolocalisée, des cartes interactives, etc. Cette collaboration avec les internautes permet à l’Etat de démultiplier sa surface de diffusion et de captation d’information, et d’être d’autant plus efficace pour sa gestion de crise. Pour populariser ces des #MSGU, l’Etat produit des infographies éducatives sur la gestion de l’information en cas de crise (conseils sur les comptes à suivre sur Twitter, incitation à publier des informations sur l’environnement pratique en cas d’urgence…). La nécessité d’éduquer les individus dans le traitement de l’information est patente dans cet effort de communication de la part de l’acteur étatique. 

Les organismes non-gouvernementaux agissant pour le développement de pays des Suds insistent fortement sur l’importance de l’éducation des populations dans leur développement. Plus particulièrement, dans la gestion d’une crise (catastrophe naturelle, conflit armé, famine, épidémie...), l’éducation revêt un rôle des plus cruciaux dans la mise en œuvre des processus associés à la résilience. Les sections « Education » et « Child Protection » du rapport de l’UNICEF à propos de son action au Népal lors de la crise subséquente au séisme de Gorkha (25 avril 2015) « Reaching The Unreached, Nepal Earthquakes : Six Months Review » (11) affirment que la résilience d’une population passe par la remise sur pied de structures d’éducation. 

Les effets du relèvement de ces structures sont multiples. Premièrement, la reprise de l’école est extrêmement symbolique pour les populations. Que ce soit pour les plus jeunes ou pour les adultes, la réinstauration de la scolarité donne un sentiment d’habitude, de réconfort, de retour à la normale. Deuxièmement, les structures mises en place par l’UNICEF ou tout autre organisme aidant à la remise en place de l’éducation pendant une crise (International Network for Education in Emergency par exemple) sont des centres d’accueil et d’éducation pour tous et toutes. Afin de toucher le plus de monde possible et d’augmenter l’influence de ces initiatives, ces organismes déploient une communication importante, comme en témoignent les campagnes « Back-to-School » (12) réalisées par l’UNICEF pendant une situation de crise, encourageant les enfants à retourner apprendre dans des structures temporaires. Troisièmement, les espaces de stabilité et de sécurité sont en effet des espaces de communication privilégiés, quels que soient les interlocuteurs. Les écoles permettent de diffuser des informations de nécessité physique (conseils d’hygiène, de sécurité…) ainsi que des informations visant à réinstaurer un climat social plus stable (par exemple, sur l’égalité des genres et le droit des femmes, ce qui permet d’apaiser un climat social qui leur est défavorable). La formation des enseignants est donc cruciale. Les moyens mis à disposition par l’UNICEF et l’INEE se composent essentiellement de manuels, simples d’usage, en plusieurs langues, expliquant comment transmettre de tels messages. Nous pouvons aussi citer l’initiative « Teacher hero network » (13) mise en place au Népal en 2015, liant de nombreu-ses-x enseignant-e-s par téléphone mobile, autour d’une plateforme d’échange et de partage des expériences du côté de l’enseignement mais aussi des élèves.

Ces espaces permettent finalement aux enfants d’échanger, de parler et de comprendre par le dialogue la crise dans laquelle ils se placent. C’est une essentielle étape de la reconstruction psychologique nécessaire à la résilience individuelle. Les organismes cités auparavant fournissent aussi des formations au soutien psychologique pour les équipes enseignantes locales. La résilience sociale se base donc énormément sur la remise en place d’un système d’éducation, permettant sur le long terme aux populations d’appréhender correctement l’information.

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(8) https://www.monde-diplomatique.fr/1...

(9) Communication Policy for Resilience to Natural Disasters and Terrorist Attacks P.H. Longstaff, Center for Information Policy Research, Harvard University, and S.I. Newhouse School of Public Communications, Syracuse University

(10) “Les #MGSU : en cas de crise, sur les réseaux sociaux, adoptez le réflexe citoyen !”, 24 octobre 2015, Blog du Service d’Information du Gouvernement, http://www.siglab.fr/fr/les-msgu-en-cas-de-crise-sur-les-reseaux-sociaux-adoptez-le-reflexe-citoyen

(11) http://unicef.org.np/media-centre/reports-and-publications/2015/10/24/6monthsreport 

(12) http://www.unicef.org/education/index_44908.html 

(13) http://unicef.org.np/media-centre/reports-and-publications/2015/10/24/6monthsreport

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