De retour de la COP 25 à Madrid, la délégation s’est sentie plus que jamais convaincue de la nécessité de transmettre son expérience, pour compléter un traitement médiatique souvent partiel.
Les étudiant.e.s n’ont pas tous suivi les mêmes sujets, n’y sont pas allé·e·s avec les mêmes convictions, et n’en sont pas revenu·e·s avec le même bilan.
Voici donc, pèle-mêle, des photographies accompagnées de commentaires sur des tons parfois dissonants, mais qui tou.te.s ensemble donnent une idée des deux semaines de négociations.
Le pavillon français
Aline (REFEDD) ; Crédit : Eloïse (REFEDD)
N’ayant pas de tribune à proprement parler dans les négociations, car représentée d’une seule voix par l’Union Européenne, la France a sa vitrine à travers le pavillon français et les évènements qui y sont organisés. A la COP, la France est souvent considérée comme un pays modérateur, qui apaise les tensions et tempère les choix.
Fatigue
Salomé (ENS) ; Crédit : Rodrigue (REFEDD)
A l’heure où les sociétés civiles militent pour un réveil des consciences et des ambitions en matière de lutte contre le changement climatique, les négociateur.trice.s travaillent d’arrache-pied à la recherche d’un compromis. Alors le moindre quart d’heure de repos est bienvenu, même s’il doit se prendre sur la moquette du centre de conférences.
Feministas contra el cambio climatico
Célia (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
Les femmes sont particulièrement vulnérables face au changement climatique. Alors, chaque année, des groupes de femmes militent pour une meilleure prise en compte de leurs intérêts et de leurs droits au sein des négociations.
Dialogue intergénérationnel
Basile (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
Malgré la lenteur des négociations, la COP est aussi un lieu de rencontres entre différents acteurs. Ici, la représentante norvégienne de l’UNICEF, Penelope Lea, âgée de 11 ans, discute avec une représentante du ministère de l’eau et de l’environnement de l’Ouganda. Lors de cette COP, la déclaration sur les enfants, la jeunesse et le changement climatique a été écrite par des enfants et adoptée par plusieurs pays, qui reconnaissent la vulnérabilité particulière des enfants, l’importance de l’éducation, et le bénéfice de les intégrer dans le processus de décision politique. Alors que certaines négociations officielles peuvent durer des années, cet exemple montre tout de même qu’en l’espace de quelques jours, la COP permet de grandes avancées sur d’autres plans moins médiatisés.
« Expulsés »
Fabienne (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
Le 11/12, exaspérés par l’échec des négociations à considérer certaines issues comme les droits de l’homme, le devoir des pays riches de payer et l’urgence de s’entendre afin de trouver des solutions réelles, 300 à 400 personnes se sont réunies pour manifester devant la grande salle de négociation sans autorisation préalable (toute autorisation étant cantonnée à un hall lointain ou l’extérieur des bâtiments). Expulsés expressément par la sécurité de l’ONU, puis escortés par la police espagnole et ses camions, les participants ont dû passer des heures dans le froid sans possibilité de rentrer de nouveau pour récupérer leurs affaires.
« Faire porter les voix des jeunes »
Fabienne (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
La presse, friande des actions menées pendant la COP, se fait le relai des jeunes manifestant lors du dernier jour escompté de la COP (qui dura finalement 42h de plus), face à la lenteur des négociations et aux résultats médiocres. Ici une action menée par “Fridays for Future”, mouvement lancé à la suite des grèves hebdomadaires de Greta Thunberg. Pouvoir manifester dans les rues pour le climat n’est pas un droit universel. En Russie, il faut obtenir un permis pour organiser une manifestation. En son absence, seule une personne est tolérée. Arshak Makichyan, un russe de 25 ans qui était présent lors de cette manifestation à la COP, et ayant manifesté durant 42 vendredi sur la place Pouchkine de Moscou, a été emprisonné pendant 6 jours en décembre pour avoir généré un regroupement de trois personnes, après s’est fait refuser plus de 10 fois un permis.
« Indigenous youths »
Fabienne (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
Cette année, une délégation de jeunes issus de peuples autochtones, “sustainus”, est venue à la COP pour défendre la terre de leurs ancêtres, demander la justice climatique, parler du réchauffement climatique qui touche de plein fouet les zones arctiques, dénoncer contre les corporations exploitant leurs terres. Membres de la société civile, l’information et la sensibilisation passe à travers des actions, des témoignages, des conférences de presse. Les enjeux que rencontrent les peuples autochtones sont peu amenés sur la table des négociations car ils ne sont pas représentés politiquement par leur pays, quand bien même celui-ci se présente comme un leader climatique et des droits de l’homme. (Ex : les Samis en Suède)
« Derniers efforts pour conclure une COP placée sous le signe de l’échec »
Robin (ENS) ; Crédit : Rodrigue (REFEDD)
Cette photo pourrait être porteuse d’espoir, on y voit entre autres les négociateurs du Canada, du Japon, des Etats-unis et du Sénégal qui réussissent à faire changer d’avis le représentant de l’Arabie Saoudite lors des dernières minutes du temps impartie pour les négociations ! Cette réussite permet je cite : “que les rapports spéciaux du GIEC soient pris en considération” par les membres de l’accord de Paris “tout en soulignant les incertitudes et les lacunes scientifiques qu’il peut y avoir”. Ce succès in extremis a certes était rendu possible par des interventions remarquables tels que : “I think the word comprehensible is not comprehensible”, ou encore “In order to facilitate the negociation, we should suppress 7 articles” (sur 16), mais aussi et surtout par un manque flagrant d’ambition de nos dirigeants politiques…
GIEC et négociations
Gabriel (ENS) ; Crédit : Marjolaine (REFEDD)
La science joue un rôle important comme base pour les négociations. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, IPCC) est l’organe scientifique le plus reconnu à l’international. On assiste ici à l’une des séances de présentation des deux derniers rapports spéciaux du GIEC (2019) concernant le lien entre le changement climatique et les sols ainsi que les océans et la cryosphère. Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du groupe de travail n°1 qui étudie les principes physiques du changement climatique, détaille les résultats les plus importants et répond aux interrogations des parties. Les questions portent aussi bien sur des aspects scientifiques (Comment mesurer la quantité de carbone stockée dans les sols ? Quelles sont les régions les plus vulnérables à la désertification ?) que socio-économiques (Comment assurer la sécurité alimentaire tout en réduisant les émissions ? Comment gérer les sols en zone de guerre ? Comment mettre en place des solutions les plus équitables ?). Parmi les options de mitigation et d’adaptation discutées, le GIEC évoque notamment l’impact positif de l’agroforesterie et d’un potentiel changement de régime alimentaire (cf § B.6 de « Climate Change and Land », Summary for Policymakers).
Soft power
Clément (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
Du soft power à la COP et de ce qui remonte aux oreille de la presse : La COP, c’est de base des négociations internationales, mais c’est aussi tout ce qui se passe autour ! Et nombreux sont les acteurs qui ont des intérêts à défendre à la COP mais qui ne sont pas parti de la CCNUCC en profitent pour venir témoigner, interpeller l’opinion publique et essayer de faire bouger les lignes, tous à leur manière. La presse, qui n’a pas accès aux négociations s’en donne à coeur joie !
Salle de négociation
Clément (ENS) ; Crédit : Rodrigue (REFEDD)
Table en rond, écrans pour diffuser en direct le texte négocié et les versions actualisées. Les négociateurs des différents pays, regroupés en groupe d’intérêts sur chaque sujet de négociations, siègent autour de la table. Ils ont décidé, avec l’ensemble de leur délégation et de leurs “alliés de négociations” le cap qu’ils souhaitent donner, les points non négociables, les compromis qu’ils sont prêts à faire. Deux facilitateurs distribuent la parole pendant que la stratégie se met en place, le secrétariat de la CCNUCC prend en note et modifie au fur et à mesure la version de travail (draft) du texte négocié. La plupart des séances de négociations durent 1 à 2 heures. Elles sont séparées par des temps de concertation entre les différentes parties, de reformulation pour le secrétariat, et de lobbying pour les observateurs.
La COP en mode start-up !
Clément (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
À la COP, il n’y a pas que les négociateurs qui travaillent ! Pas de bureaux pour les observateurs : à la place, de vastes espaces de co-working. C’est ici que l’on prépare les interventions de nos constituantes en plénière, qu’on planifie les sessions de discussion avec le secrétariat, et de lobbying avec les négociateurs des pays qui bloquent sur les sujets que l’on suit. C’est l’occasion de rencontrer des jeunes et des moins jeunes venus du monde entier, spécialistes ou novices intéressés.
La Blue COP by Klein
Clément (ENS) ; Crédit : Rodrigue (REFEDD)
Cette année, à défaut de la retrouver en négociations, la couleur bleue était bien présente à cette Blue COP. Les bureaux des différents pays représentés à la COP s’éparpillaient dans différents hangars du palais des congrès de Madrid. C’est derrière ces murs que sont élaborées, plusieurs fois par jour, les stratégies de négociations coordonnées sur les différents sujets suivis par chaque pays. C’est aussi là que les négociateurs présents sur place rendent des comptes à leur gouvernement. Un détail sur cette photo : la première porte visible sur la gauche vous signale l’entrée du QG de IATA (l’association internationale du transport aérien). Ce n’est pas un parti représenté à la CCNUCC mais différents grands acteurs dont les activités ont un impact sur le climat sont aussi présents à la COP et développent des accords en marge des négociations. C’est aussi pour eux l’occasion d’avoir sous la main les représentants de la quasi-totalité des Etats : une occasion en or pour faire bouger les lignes !
La parole aux jeunes !
Clément (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
La COP, c’est aussi et surtout des side-event, des pavillons, des conférences, prises de parole et de position. Nous avons eu la chance de pouvoir donner une conférence sur le pavillon France, avec le REFEDD, pour parler pendant une heure de ce qu’il se passe en France dans l’enseignement secondaire et supérieur vis à vis du changement climatique. Présentation de projets novateurs, campus exemplaires, mais aussi cri d’alarme vis à vis de la refonte en cours du programme de SVT : la parole est libre, l’audience participe à la critique. Le pavillon France, c’est aussi souvent l’occasion d’engager des discussions avec différents pays, qui ont comme valeur commune la francophonie.
Pour l’Australie : hip hip hip, hourraaaa !
Clément (ENS) ; Crédit : Fabienne (ENS)
Grand vainqueur du fossil of the day, l’état australien a su tirer son épingle du jeu et a eu la chance d’être à maintes reprises distingué par le CAN International (un des principaux réseaux d’ONG environnementales). Le “fossil of the day” était distribué quotidiennement à ceux qui déploient une énergie et démontrent d’extraordinaires capacités, autant en négociations que chez eux, à être “Les meilleurs à faire le pire”. Jusqu’à trois pays sont couronnés chaque soir à 18h. L’Australie, aux côtés du Brésil, de la Chine, des USA, du Japon et j’en passe a vu son drapeau à maintes reprises flotter au bras d’un tyrannosaure ! Ce prix ironique, décerné depuis 1999, a pour but de braquer le projecteur sur certains pays peu exemplaires pour les soumettre à la pression de la société civile.